Voici un ouvrage qui a au moins le mérite d'exister, et être le premier du genre sur la natation Cherbourgeoise.

On ne peut que se féliciter de voir que l'érudition de certains cherbourgeois les ait conduit à réaliser ce travail de recherche sur l'évolution des baignades « en milieu naturel », dirait-on aujourd'hui.

On y apprend également que la pratique sportive existait depuis des lustres. Et si la technique des nages n'était pas aussi aboutie que de nos jours, le courage et l'abnégation de ces pratiquants relève tout simplement des combats homériques de notre antiquité. Ce qui a été réalisé à l'époque, bien peu de nos nageurs contemporains  seraient capables de le refaire, et moi le premier...

Alors, tant qu'on parle de l'anecdotique d'une autre époque, où la légende tient lieu de vérité historique, il n'est pas grave de rester dans l'imprécision.

Mais toute autre chose est de relater des faits vécus récemment, dont il existe une mémoire encore fraîche, des acteurs non disparus, des articles de presse, des photos, bref, des faits et des dates incontestables.

Et là, je dois dire que l'auteur s'est pas mal « emmêlé les pinceaux....»

Tout d'abord dans la chronologie. Elle mélange allègrement les Maître Nageurs de la première et de la dernière génération. Puis dans la méthode. Bien sûr tout le monde avait le même but : enseigner la natation. Mais pas avec les mêmes méthodes, ni avec les mêmes moyens. C'est d'ailleurs pour cela que je suis arrivé à Cherbourg. Avant de chercher à sortir des « champions », il fallait d'abord résoudre la crise profonde du système d'apprentissage où on voyait soit des classes entières refuser d'aller à la piscine, soit la moitié des effectifs « dispensés de piscine » assister aux cours assis sur une chaise, côté visiteurs.

Avec le conseiller pédagogique de l'époque (Monsieur Bernard Patry, pour ceux qui s'en souviennent), il a fallu (non sans mal) changer les méthodes, changer les habitudes, recruter de nouveaux Maître nageurs (Rémy, Didier, et Patrice), former les instituteurs pour les impliquer un peu plus, et différemment, dans le processus.

 

La natation scolaire...

Rien que le chapitre sur la natation scolaire à Cherbourg, mériterait de faire l'objet d'un ouvrage. Tant cette structure est riche en évènements, en connaissances, et en travaux de recherches pédagogiques. Largement inspiré par la méthode Catteau (docteur es-sports) auprès de qui j'avais effectué plusieurs stages, j'ai tenté de mettre en pratique à Cherbourg ses enseignements.  Avec un certain succès, d'ailleurs.

Et de là va découler une autre partie de ce livre, assez contestable, dans la mesure où elle ne respecte ni l'esprit, ni les faits. En effet, réduire l'évolution des clubs à Cherbourg à de simples querelles entre entraîneur et dirigeants, c'est avoir une vue un peu basse sur un processus qui est tout à fait dialectique.

Pour moi, il ne suffit pas de rassembler quelques « mordus » plus ou moins désoeuvrés, pour en faire des champions. Le groupe de compétiteurs qui existait à mon arrivée en 1968, était une bonne et sympathique bande de copains. Mais leur objectif n'était pas « de gagner ». Et, quoi qu'en dise l'auteur, il était déjà trop tard pour eux, et je n'ai pas réussi à le leur apprendre. Il aura fallu attendre la génération suivante. Peut-être aurais-je dû faire comme Guy Boissière à Rouen, qui a viré toute son équipe (qui était pourtant déjà très bonne), afin de démarrer la suivante sur des bases saines.

Pour moi, la natation scolaire devait être le point de départ d'une politique de club avisée. En effet : si nous voulons former des champions, il faut tout d'abord qu'ils apprennent à nager avec une technique qui soit la meilleure possible. Ensuite, quoi de mieux que l'école pour détecter les talents le plus rapidement possible. Et c'est là qu'on en arrive à la création du club des Dauphins.

Non, ce n'est pas à la suite d'un différent au sein du club ANC. J'avais quitté ce club depuis plus de deux ans, préférant me consacrer à la formation de nageurs, plutôt qu'à la manifestation de leurs caprices de stars.

Avec l'équipe de Maître nageurs de la piscine (Rémy et Didier tout d'abord, puis Jean Paul, Jean Marie, Guy, Dominique, et j'en oublie sûrement...) nous avons mis en place un système d'apprentissage totalement en rupture avec ce qui se faisait jusqu'à présent. Non seulement les enfants apprenaient à nager avec plaisir, mais en plus, ils nageaient bien, et étaient déjà prêts à aborder la phase suivante.

Contrairement à ce qui a été dit dans le livre du Dr Besnier, l'école de natation ne date pas des Dauphins. En effet elle avait été crée dès 1969 à l'ANC, où les enfants étaient accueillis dès l'âge de 2 ans, préfigurant les fameux bébés-nageurs. Cette école a été rendue nécessaire devant la faillite du système d'apprentissage qui existait à mon arrivée (en 1968).  (voir encadré plus bas)

 

Le succès des Dauphins

L'idée de créer ce club n'est pas venue de façon machiavélique, histoire de mettre des bâtons dans les roues du club existant. Elle n'est que la conséquence logique et inéluctable du travail remarquable qui se faisait à la piscine grâce à la nouvelle équipe de Maître nageurs. Il faut dire que, grâce à la nouvelle équipe municipale qui venait d'être élue (Monsieur Darinot comme Maire, et Postaire comme adjoint aux sports), un effort tout particulier avait été fait à ma demande, pour le recrutement de nouveaux MNS. Ce qui a permis d'aller bien au-delà du simple apprentissage de la natation. Des compétitions inter-écoles primaires avaient même été organisées. Il nous incombait alors la responsabilité de prendre en charge et de donner des perspectives sportives à cette nouvelle génération de très jeunes nageurs.

Et pas question de les envoyer au club ANC avec lequel nous n'avions pas de très bonnes relations, car leur encadrement ne correspondait pas à notre éthique. Et ce ne sont ni les positions politiques, ni le laxisme, ni l'attitude avec les jeunes qui font obstacle. Ce serait plutôt une question de compétences sportives...

Murielle Lebreton : un prototype...

La démonstration n'allait pas tarder à être donnée avec Murielle, une élève de CP (cours préparatoire) à qui nous apprenons à nager, et chez qui nous décelons très rapidement des qualités hors du commun (une sorte de Laure Manaudou !). Dès la première année de création du club des Dauphins elle survole déjà toutes ses concurrentes. Formée de A à Z par les moniteurs de la piscine, elle est l'illustration quasi parfaite de ce que nous expliquions depuis des années : apprendre à bien nager dès le début est possible. Elle a appris les 4 nages sportives au cours des séances scolaires. Le mercredi matin, dans le cadre de l'USEP (sport scolaire des écoles primaires), avec d'autres enfants de son âge recrutés dans les écoles, elle commence ses premiers entraînements. Et elle n'est pas la seule... Toute l'ossature du futur club des Dauphins a commencé là à nager de façon « sportive ».

Malgré la rivalité sportive qui allait naître de la concurrence des deux clubs, l'entente entre les nageurs était plutôt bonne. Mais avec l'arrivée de deux nageurs bretons (Rapp et Croguenec), les choses vont se précipiter avec la réapparition du water-polo à Cherbourg.

 

La fusion des clubs : une nécessité...

Comme le dit fort justement l'auteur du livre, « l'ANC est menacée, la belle entente qui régnait dans son sein fait place à des rivalités plus ou moins sportives... ». Et pour faire court, la fusion semble être la seule solution. Il faut ajouter à cela que bon nombre de nageurs risquaient de changer de camp à la saison suivante, et que l'hémorragie semblait difficile à colmater. Du côté des nageurs la fusion était déjà faite : stages communs, déplacements communs, amitiés entre nageurs hors de la piscine. Restait à régler la question essentielle : celle des dirigeants ! Réussiraient-ils à « cohabiter » !

Du côté des Dauphins, la problématique n'était pas du tout la même... Certes, nous étions le club qui monte... Certes, toutes les cartes étaient dans notre jeu, depuis mon accession à la direction de la piscine. Cela voulait dire des moyens quasi illimités sur les infrastructures et sur l'encadrement. Mais nous étions un club jeune, très jeune. Et le water-polo qui commençait à donner de bons résultats sur le plan sportif et populaire, demandait des nageurs aguerris et d'une certaine robustesse. Nous avions donc des vues sur certains nageurs du club voisin qui pourraient renforcer notre équipe. De même chez les jeunes, certains de leurs éléments auraient bien renforcé nos relais. Nous visions la suprématie régionale.

.... et surtout : une erreur !

Contrairement à ce qui a été dit, ce n'est pas le folklore et le laxisme qui a fait la pierre d'achoppement entre les deux clubs. Bien sûr, il y avait deux conception différentes qui cohabitaient : d'un côté, chez les Dauphins, le professionnalisme de l'encadrement où tous les moniteurs étaient titulaires d'un brevet d'état, et de l'autre, l'amateurisme (bénévolat) où la bonne volonté remplaçait bien souvent les compétences. C'est d'ailleurs sur ce point que l'assemblée générale de 1979 (un an après la fusion) a consacré la rupture qui existait entre les deux équipes éducatives.

Comme toujours, un fossé profond existe et se perpétue entre les adultes alors que les enfants, eux, n'aspirent qu'à une chose : être ensemble. Au Bureau où les anciens de l'ANC étaient les plus nombreux, et même rejoints par quelques dissidents Dauphins, il ne restait plus aux minoritaires qu'à s'incliner et à enterrer le water-polo une fois la saison terminée. Les maîtres nageurs retournent à la piscine et continuent à former les nageurs de demain. Au club, une nouvelle ère allait s'ouvrir avec l'arrivée de Casimir Klimek. Fini le folklore et le laxisme des Dauphins : la natation des pays de l'Est faisait son entrée à Chantereyne....

A propos d'école de natation

Pour qu'un club de natation puisse fonctionner correctement, il est impératif qu'il puisse recruter des jeunes sachant le mieux nager possible. S'il faut désapprendre tout ce qui a été appris durant la formation, on perd carrément son temps, et les résultats seront de toute façon mauvais. Devant la faillite de ce qui existait en 1968 tant sur le plan scolaire que sur celui des leçons particulières, il était urgent de doter le club de l'époque de son propre système de formation des nageurs. Et tant qu'à faire, autant que ce soit quelque chose de nouveau et d'attractif. Deux idées prévalaient à ce moment-là : 1. La natation peut et doit être un plaisir. 2. On peut apprendre de très bonne heure (à partir de 3 ans, puis deux ans, l'année suivante).  Cette école de natation a donc été mise en place dès 1969. Elle a été pendant longtemps une source de revenus importante pour le club, et une pépinière de nageurs de talent. Cette école, n'a (à ma connaissance) jamais cessé d'exister à l'ANC, y compris après mon départ.

Lorsque j'ai accédé aux fonctions de directeur de la piscine, j'ai crée parallèlement aux leçons particulières de la piscine, des cours collectifs pour enfants que j'ai dénommés « école de natation municipale » pour éviter toute confusion avec celle du club ANC. C'était à mon avis un juste retour des choses, que la piscine se réapproprie ce qui est sa vocation première. Jusqu'à ce jour, ce système faisait partie des services et animations dont la piscine municipale était le maître d'oeuvre. Mais en aucun cas, les Dauphins en tant que tels, n'ont animé une telle structure.

Je viens d'apprendre que ces prérogatives vont à présent être retirées des attributions de la nouvelle piscine de Cherbourg, au profit du seul club ASC Natation qui sera le seul à organiser ce genre de cours.

Est-ce pour répondre aux exigences qui sont actuellement dans l'air du temps, et qui consiste à remplacer un service public qui marche bien, par un service équivalent, mais uniquement privé ? Il y a actuellement à la piscine, contrairement à la période 1968, des moniteurs absolument performants, avec une longue et riche expérience dans ce domaine et dont les compétences ne seront plus utilisées. C'est un non-sens et une grave erreur. Mais ce qui est savoureux, c'est de voir que l'auteur du livre qui dénonce (à tort, comme je l'explique ci-dessus) la création d'une école de natation par les Dauphins, en opposition au cahier des charges*,  est cette même présidente qui vient d'obtenir de la municipalité, la suppression de l'école de natation « municipale » au profit de celle de son club !

*[Ce cahier des charges précisait, en effet, à la création du club ANC en 1965, que seuls les nageurs confirmés pouvaient adhérer à ce club]

 

 

Ce commentaire n'engage que moi. Il m'a semblé nécessaire de rétablir certaines inexactitudes ou de donner une analyse différente sur une période que j'ai bien connue. Bien entendu toute contribution sera la bienvenue, ainsi que toute critique de la critique.

Michel Briegel

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Quelques commentaires :

« Il aurait été intéressant qu'elle parle aussi de la nage avec palmes, de l'apnée où nous avons à Cherbourg la 4e mondiale, de la traversée de la manche par Daniel Menguy. En nage avec palme on aurait pu aussi parler de Fabrice Leclerc qui était à son époque un des meilleurs français dans la discipline. Lui aussi a tenté la traversée de la manche mais a échoué. »